mardi 15 avril 2014

Humour naturaliste.



Le rat trépigneur : un animal musicien ?


Nous avons extrait cette observation des travaux du professeur Alexandre HAPEAU-ANBERNE (Palichon-de-Pau, Basses-Pyrénées , 1890 – Paris 1961) du Museum d’Histoire Naturelle et de l’Institut Piscicole et Sylvestre GARA-LAMARCHE.
Ce naturaliste distingué, bien oublié de nos jours, s’est notamment illustré dans l’élaboration d’une nouvelle classification des coccinellidées, genre des insectes coléoptères, plus connu sous le nom de « bêtes à bon Dieu », dont il avait lui-même décrit deux nouvelles espèces : la coccinelle EFFAUX L’ALLIER, du nom de son premier lieu d’observation autour du petit village de PENNAVOIR, canton d’EFFAUX L’ALLIER – Allier et la coccinelle de POULAY, découverte près de POULAY dans la Marne. 
./.. « Ce rongeur de la grande famille des rats qui contient plusieurs centaines d’espèces (telles que le rat-taupe, le rat à abajoues, le rat sauteur, le rat des pharaons, le rat d’eau ou surmulot etc.…) est relativement peu répandu dans nos campagnes et les individus de cette espèce se rencontrent essentiellement dans les provinces de l’Ouest de notre pays où le climat semble leur être plus favorable. »
Nous devons ici faire remarquer que la rareté de cette variété de rat s’est très notablement accrue depuis le milieu du siècle dernier et que nous avons eu le plus grand mal nous-mêmes à en observer un exemplaire en 1988 près de Mallacordé en Vendée. Cette raréfaction semble devoir être rapportée à une dégradation nette de l’habitat de cette espèce notamment en raison de la pollution sonore à laquelle ces rongeurs sont particulièrement sensibles.
./.. « Il est totalement absent des cités et on l’observe le plus souvent en milieu rural profond aux abords de petits villages assez isolés. Sa morphologie et très proche de celle du rat commun quoique sa taille soit ordinairement moindre. Notons que la femelle est cependant régulièrement plus « enveloppée » que son congénère mâle.
Le meilleur moment pour apercevoir notre animal se situe au crépuscule et à l’aube à l’heure où chante le rossignol OLONCOURT (du nom du naturaliste qui le décrivit le premier au XVIIIe siècle : Édouard-Jean-Marin OLONCOURT), dont les trilles particulièrement rythmés et soutenus pendant des dizaines de minutes sans interruption le distinguent du rossignol commun (Luscinia megarhyncha, genre des passereaux dentirostres, famille des sylviidés). Une autre caractéristique du rossignol OLONCOURT est son curieux vol en zigzag.
Mais revenons au rat « trépigneur » qui, attiré par le champ de ce rossignol en particulier, démasque à cette occasion la particularité qui lui a valu son nom vulgaire comme son nom savant car, dès les premières mesures de ce chant entraînant, on peut voir le rat « trépigneur » après un court temps d’hésitation se dresser sur ses pattes de derrière et commencer de marquer la mesure sur place à l’aide de celles-ci et cela aussi longtemps que durent les trilles de l’oiseau. Les paysans appellent ainsi de toute éternité ce rat le « rat trépigneur » et nous le nommons le rat Toscendant, mus toscendens, du verbe latin toscendere : battre la mesure.
Ce comportement étonnant pour un rongeur est, comme le chant du rossignol, lié à la période des amours et en constitue comme une sorte de préalable obligé. Il est le fait aussi bien de la femelle que du mâle qui tous deux attirés par l’ambiance musicale créée par le rossignol sont ainsi portés à se rencontrer. Il est alors possible de voir des couples de rats Toscendants trépigner l’un en face de l’autre ou exécuter une parade circulaire mais toujours en battant la mesure autour de son futur partenaire. Ce n’est que lorsque le chant du rossignol OLONCOURT a pris fin que le mâle et la femelle, retrouvant une posture plus classique, quittent rapidement les lieux pour aller immédiatement s’accoupler. »
Hélas, les successeurs de notre grand aîné du  muséum, s’accordent à penser qu’il n’est pas impossible que ce comportement amoureux particulier du rat Toscendant soit pour une bonne part à l’origine de sa presque disparition de nos terroirs. En effet il semble que son « trépignement » en cadence revête pour lui un caractère d’obligation, sorte de rituel conditionné (au sens où le fameux réflexe de Pavlov du chien l’est) par la musique ou certaines variétés de musique.
On nous a ainsi rapporté plusieurs observations de découverte de cadavres de rats Toscendants à proximité d’aires de bals en plein air dans les années 60 – 70, époque où nos jeunes gens se plaisaient à danser la nuit entière sur des rythmes syncopés.
Le caractère inhabituel de la présence de plusieurs spécimens d’une espèce peu répandue par un même endroit nous laisse penser que les progrès de la sonorisation festive ont pu contribuer à attirer de plus loin ces couples de rats et que leur sensibilité musicale, probablement aussi forte, voir même plus forte, pour les musiques à la mode en ces années-là que pour le chant du rossignol OLONCOURT les a conduits à mourir d’épuisement avant la fin de ces fêtes nocturnes leur interdisant ainsi toute possibilité de reproduction et aggravant la chute démographique de leur population.
Qu’il nous soit permis de conclure sur cette pensée philosophique qu’il est ainsi quelques différences entre les animaux et les hommes.

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